De nouvelles recherches généalogiques portent la tradition familiale à plus de 350 ans !

Le confinement lié à la crise sanitaire du Covid-19 a un impact considérable sur l’économie et sur les habitudes de travail de chacun. Les emplois du temps sont bouleversés mais ce nouveau mode de travail permet également de se replonger dans des dossiers que le rythme de travail habituel ne permet pas forcément de traiter.

Les recherches historiques et généalogiques en sont un bon exemple. Chronophages et sans garantie de résultats, ces recherches sont parfois mises de côté afin de traiter les dossiers plus concrets du quotidien.

En 2017, suite à mes premières recherches généalogiques, j’avais pu établir que Jean Charlois (1807-1879) exerçait déjà l’activité de fendeur au cours de la première moitié du 19e siècle. En remontant le fil de l’histoire de la famille Charlois, les archives de la commune de Chaulgnes nous avaient alors appris que le père et le grand-père de Jean Charlois étaient couvreurs. Intéressant d’un point de vue familial mais moins essentiel pour asseoir la légitimité de la famille Charlois comme acteur incontournable de la foresterie et de la merranderie.

Remonter au début du 19e siècle était déjà une très belle preuve d’un savoir-faire ancestral. Dès lors, je suspendais provisoirement mes recherches tout en gardant en tête que les couvreurs de l’époque devaient très certainement utiliser des tuiles de chêne…

Trois ans plus tard, le confinement de ce début de printemps m’a permis de reprendre la consultation des archives de Chaulgnes qui nous révèlent aujourd’hui que les aïeux de Jean Charlois, en ligne directe, exerçaient la profession de fendeur au milieu du 17e siècle ; le plus ancien étant Jacques Charlois (?-1688), arrière-grand-père de l’arrière-grand-père de Jean Charlois (1807-1879). 

Cette fabuleuse découverte signifie notamment que les ancêtres de la famille Charlois fendaient du bois en forêt des Bertranges sous le règne de Louis XIV à l’époque où Colbert prit possession du duché du Nivernais pour le compte de Mazarin et au moment où l’Ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 fut adoptée.

Le document d’archives le plus ancien mentionnant la profession de fendeur parmi les aïeux de Sylvain Charlois (11e génération de fendeurs) est l’acte de décès de Perrette Légaré, femme de Jacques Charlois (?-1688) : « le quatriesme de juillet 1668 est décédée Perrette Lesgaré femme de Jacques Charloys fendeur demeurant en cette parroisse laquelle a esté inhumée dans l’église le cinquiesme du dit mois et an, en présence de Gabriel Lesgaré père de la déffuncte charbonnier [..] et de François et Pierre Charloys vignerons de cette parroisse frères dudit Jacques Charloys ».

Il est par ailleurs intéressant de noter que les frères de Jacques Charlois étaient à l’époque vignerons. Pas étonnant dans un pays viticole où, par exemple, pour l’année 1730, 70% des actes de la paroisse de Chaulgnes concernent des habitants enregistrés comme exerçant la profession de vigneron. Jean Charlois, mari de Louise Prenost et frère de Jacques Charlois (1689-1733), est quant à lui enregistré comme fendeur en janvier 1730 et comme couvreur en 1743 alors qu’en 1721, 1723, 1724, 1727 et 1731 il exerce la profession de vigneron. Cette même année 1730, l’acte de décès d’Estiennette Charlois indique que son père, Louis Charlois, cousin germain de Jacques Charlois (1689-1733) est couvreur en esseaulme (tuiles de chêne).

Des vies de labeur qui attestent de l’existence d’un lien évident entre les activités de fente, de couverture et de viticulture depuis des siècles au sein de la famille Charlois. Tous ces métiers ayant pour point commun le chêne, et la forêt des Bertranges, aujourd’hui toujours au cœur des activités du groupe Charlois.

Les fendeurs d’autrefois fendaient en effet aussi bien des échalas, que des merrains ou des tuiles en fonction des dimensions des grumes. Duhamel du Monceau précise par exemple dans De l’exploitation des bois (1764) : « Quand les bûcherons ont abattu les arbres, & qu’ils en ont retranché les branches, le marchand qui les a destinés à faire du bois de fente, livre en cet état les corps d’arbres, et quelquefois aussi les grosses branches aux ouvriers fendeurs, qui selon la grosseur & la longueur de ces tronces [arbres de futaie], les débitent pour différents ouvrages que nous expliquerons dans la suite […] combien n’employeroit-on pas de temps à diviser avec la scie des lattes, des douves de futailles, des cerches [feuilles de bois mince] de boisselier, &c ? Au lieu que par l’industrie qu’emploient les fendeurs, ces ouvrages sont faits presque en un instant. J’ajoute qu’ils sont beaucoup meilleurs ».*

Lien qu’Achille Millien a finalement parfaitement illustré grâce à quelques vers relatifs au travail des fendeurs de la forêt des Bertranges : « Le bois sous le contre éclate. / Voici pour nos toits la latte, / Pour nos ceps les échalas / Et le merrain pour la Tonne / Dont le vin doux, à l’automne, / Rend la verve aux esprits las. »

 

Guillaume Tozer

 

Visuel : Acte de décès de Perrette Légaré, 1668 © Archives départementales de la Nièvre

 

* Dans L’art du couvreur (1766), Duhamel du Monceau donne par ailleurs une définition intéressante des bardeaux : « On appelle bardeau de petites planches refendues, comme le merrain, mais qui n’ont que 12 à 14 pouces de longueur ; leur largeur varie. Quand ces petites planches ont été fendues dans les forêts, on les fait dresser et réduire à 4 ou 5 lignes d’épaisseur par des Tonneliers, qui se servent pour cela d’une doloire ; on fait aussi du bardeau avec des douves de vieilles futailles : quand le bardeau a été ainsi travaillé, les Couvreurs l’emploient ; ils le clouent sur la latte comme l’ardoise. »